Vous êtes-vous déjà rendu compte de la manière étrange qu'ont parfois les poissons rouge de vous regarder ? Avec leurs grands yeux globuleux, comme s'ils vous transperçaient de leur regard avec une grande clairvoyance. Maëlle en avait vraiment peur. Elle s'était arrêtée devant une boutique d'animaux et avait ri en voyant les chiots mais son sourire disparu quand elle remarqua la présence des poissons. Elle croisa les bras et les regarda avec suspicion. Elle avait bien compris leur jeu depuis le temps qu'elle les observait ! Ils vous regardaient l'air goguenard comme s'ils se moquaient de vous et au moment où vous vous y attendiez le moins, ils sautaient de leur bocal pour vous manger. Oui, Maëlle avait découvert leur secret, les poissons rouges étaient carnivores. Sinon comment expliquerez-vous qu'ils sautent sans raison de leur bocal ? Elle en avait subi l'expérience et avait eu tellement peur qu'elle avait du laisser Buddy – c'était son prénom – faire son grand voyage et l'avait jeté dans les toilettes.
Mais si Maëlle était sortie ce n'était pas pour aller voir ces traitres de poissons mais pour recevoir sa ration quotidienne de grenadine. Certains préféraient les cigarettes, ou encore le rhum, Maëlle, elle, c'était la grenadine. Entre elles, c'était une grande histoire d'amour. Il fallait s'imaginer, au moment du coucher de soleil, Maëlle courir sur la plage et de l'autre côté, une bouteille de grenadine. Rouge, des petites baies dessinées sur la bouteille, son jolie nom écrit avec un air charmeur... C'était le coup de foudre. Et depuis, ils ne se quittaient plus. Oui, Maëlle avait 23 ans, toutes ses dents et était fan de la grenadine. C'était une belle matinée ensoleillée, la jeune femme en avait profité pour sortir une de ses jolies robes d'été et elle avançait gaiement quand tout à coup, le pire arriva. Imaginez-vous le tableau : une marche, une simple petite marche, Maëlle jeune et insouciante qui s'avance sans se rendre compte du danger, elle se rapproche, la collision est inévitable, et CRAC BADABOUM. Elle s'étala par terre presque avec grâce tellement elle en avait l'habitude. Elle prit appui sur ses mains, se les écorcha élégamment, cogna sa tête contre le trottoir avec distinction et finit par gracieusement s'égratigner le genou. Un balai digne de Broadway... Elle examina brièvement les dégâts avant de se demander si elle parviendrait un jour à se relever. Elle créerait une association contre ces petites marches qu'on ne voyaient jamais. La ABPMII (A bas les petites marches invisibles et inutiles !), elle était persuadée que son association ferait un malheur. Elle ne devait sûrement pas être le seule à ne jamais les voir même si elle passait ici presque tous les jours.
Elle aurait continuer à rager contre les marches si elle n'entendit pas un rire affreusement froid et moqueur qu'elle avait peur de reconnaître. Elle se releva et quand son regard se porta sur l'auteur de ce rire, elle devint un glaçon, on l'exposa dans un musée et elle termina sa vie de glaçon dans un vieil entrepôt parmi toutes les autres personnes glaçonnées de peur de la terre. Ou bien elle serait exposée sur une grande place comme l'image éternelle de la peur telle un vestige de l'effroi qui régna à cette époque-là. Adieu monde cruel !