QUE FAITES-VOUS A WELLINGTON ? Le hasard peut-être? Pas vraiment, à vrai dire. Je suis un aventurier. Mon aventure est la vie, et la mort. Les gens comme moi ne peuvent pas – ne doivent pas rester au même endroit trop longtemps. Mais pour tout dire, ce qui m'a poussé à venir à Wellington, il y a tout juste deux semaines, c'est un jeu de piste. Ça semble idiot dit comme ça? Dans ce cas, je préciserai qu'une femme est derrière tout ça. Quoi qu'il en soit, j'ai parcourru le monde et aujourd'hui je suis ici, à Wellington, et pour une durée indéterminée. Je viens à peine d'arriver et n'ai, par conséquent, pas encore eu le temps de faire grand chose dans cette ville que je découvre tout juste, mais ça ne saurait tarder.

QUE PENSEZ-VOUS DE CES MEURTRES SUSPECTS ? À peine eus-je mis le pied à Wellington que j'entendis parler de ces meurtres, bien entendu. Pour l'instant, je n'en pense pas grand chose. Ils sont nombreux, fréquents, mais aussi intriguants, si ce n'est... fascinants. Cependant, je n'ai pas encore vraiment eu le temps de m'intéresser à ce fait divers de plus près. En effet, j'ai quelques autres affaires en cours. Mais dès que j'aurai un peu de temps libre, j'espère pouvoir en profiter pour m'intéresser d'un peu plus près à ces crimes suspects, et, qui-sait, peut-être comprendrai-je qui en est à l'origine.

QUELLE EST VOTRE PLUS GRANDE PEUR ET COMMENT RÉAGIRIEZ-VOUS DEVANT ? La peur? Je ne pense pas faire partie de la partie majeure de la population humaine qui, faible comme elle est, est facilement enclinte à la peur. Non, moi je suis de ceux qui n'ont peur de rien – ou de presque rien. La mort ne m'effraie pas. Je la cotoie depuis quelques années et elle n'a jamais réussi à m'arracher le moindre frisson. Je n'ai pas peur de mourir, pas plus que de voir des proches mourir. Je n'ai aucune phobie. Je n'ai pas peur de l'avenir, ni de ce que je pourrais devenir. Aucune peur. Malgré tout, on peut dire que j'ai certaines... appréhensions. Pas des peurs, et pas tout à fait des craintes mais des appréhensions. Comme tous les gens qui ont le même hobbie que moi, j'appréhende le fait qu'un jour, peut-être, on pourrait me prendre la main dans le sac. Ce qui serait tout à fait regrettable, bien entendu, néanmoins, je ne sais comment je réagirais si je devais affronter une telle situation. Toujours est-il que, minutieux, méticuleux, attentif et précis, je mets tout en place pour que cela n'arrive jamais.

AVEZ-VOUS QUELQUE CHOSE EN PARTICULIER ? Je ne suis ni porté sur l'alcool, ni sur le tabac, ni sur toutes les substances illicites que l'on peut se procurer en s'adressant aux bonnes personnes. Cependant, je suis un bon mangeur et plutôt gourmand. J'aime manger un bon sandwich au volant. Il n'y a pas grand chose de mieux, à mes yeux. Je n'aime pas tellement les armes à feu. J'ai une préférence pour les armes blanches. J'ai d'ailleurs toujours un poignard ou un couteau bien aiguisé sur moi. Ce que je vais dire va paraître stupide et inaproprié chez quelqu'un comme moi mais... j'aime les enfants. Je les aime vraiment. Ils sont tout à fait innocents, honnêtes, vrais... ce que ne sont pas les adultes – et surtout moi. Je ne suis pas un grand dormeur. Au contraire, il me suffit de quatre ou cinq heures de sommeil pour être en forme au levé. J'ai beaucoup voyagé et ai d'ailleurs mis le pied sur chaque continent. Mais je me suis vite rendu compte que les hommes, qu'ils soient argentins, chinois, italiens ou egyptiens, sont partout les mêmes. J'apprécie énormément la musique. La plupart de temps, je n'écoute pas les paroles – qui sont, bien souvent, un tissus de conneries – mais j'aime écouter de la musique partout, tout le temps. Ma préférence va au rock. Je ne regarde presque jamais la télévision et je préfère mes vieux Cds et mon I-pod à la radio. Le journal, que j'achète chaque matin, est le seul média qui me tient au courant de ce qui se passe un peu partout sur cette planète.

COMMENT VOUS DÉCRIREZ-VOUS EN QUELQUES MOTS ? insensible solitaire cynique mauvais menteur lucide calme indépendant responsable juste déterminé réfléchi confiant aimable joueur intuitif gourmand troublant habile aventurier fort mystérieux ouvert prévoyant patient précis méticuleux méfiant observateur curieux convaincant charmeur fidèle courageux persévérant intrépide calculateur réaliste réconfortant

« Vous êtes médecin, non? Ce que je dirai, vous n'aurez pas le droit de le répéter, n'est-ce-pas? » J'étais assis à la table de mon salon, un sourire en coin. J'avais assez hâte, mais cela ne se voyait pas. Non j'avais mon air habituel, quoi qu'un peu ennuyé comme je l'étais toujours quand je discutais avec Preston Matthews, mon psy. « C'est exact. Mais puis-je savoir pourquoi vous m'avez emmené chez vous? Nous aurions été bien plus à l'aise dans mon cabinet... » Je me levai, servis deux tasses de café et en posais une devant le docteur et une devant moi. « Non, je ne me sens vraiment pas à l'aise dans votre cabinet. Et vous pouvez ranger votre calepin, vous n'en aurez pas besoin, » dis-je en me rasseyant. « Très bien. Dans ce cas, je vous écoute. » Je lui fis un sourire amical qui semblait vrai et entamais, confiant. « Je... Je ne sais pas d'où ça me vient. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mon enfance, encore moins de ma petite enfance, mais je me demande si ça ne viendrait pas de là. J'ai parfois l'impression que ça a toujours été là, comme si j'étais né ainsi, que c'était une partie de mon corps. Mais je me demande si ce n'est pas plutôt de mon enfance que je le tiens. Toujours est-il que je n'ai aucune certitude sur sa nature et son origine. » Preston Matthews me regarda par-dessus ses lunettes, l'air à la fois intrigué et inquiet. « De quoi parlez-vous? » « De mon besoin. De ma faim. Vous êtes psy donc vous devriez savoir mieux que moi d'où ça peut venir mais... » Je fis une pause. Il avait l'air perplexe. « D'accord, vous ne semblez pas comprendre de quoi je parle, ce n'est pas grave, nous y reviendrons peut-être plus tard. Ce n'est pas quelque chose que je peux contrôler. Je qualifierais cela comme une force, à l'intérieur de moi. Une force et une faim que je ne peut ni contrôler ni arrêter. Elle me définit et fait partie intégrante de ma personne. Je sais pertinemment que, ce n'est pas bien, je le sais, seulement... je ne peux pas la renier. J'en suis incapable et je ne le désire pas. Cependant, j'ai réussi à la canaliser. C'est pour cela que je la qualifie de force, voyez-vous. Non seulement c'est quelque chose de fort, qui prend le contrôle sur moi, mais ça me rend fort. Je suis parvenu à la canaliser. Pas sûr les animaux ou sur les végétaux, cela n'aurait aucun intérêt, mais sûr ceux qui le méritent. Comme vous, par exemple. » Je le regardai intensément, un sourire en coin. Il fronça les sourcils. « Mais bon sang, de quoi parlez-vous? » Ainsi il n'avait pas encore deviner? « De ma soif de tuer. De quoi d'autre voulez-vous que je parle? » Pour appuyer mes mots, et sans quitter mon air serein et faussement amical, je sortis un long couteau de cuisine aiguisé de sous la table. « ... » « Oh! Je crois rêver! Vous avez peur? Vous avez vraiment l'air d'avoir peur vous savez? » Il se recula. « ... » Je fis courir mon doigt le long de la lame du couteau, sans quitter mon interlocuteur du regard. « C'est le couteau peut-être? Désolé, je ne pensais pas que ça vous effrayerai. Elles ont eu peur, Ann Vreeland, Aubree Mayers, Rubee Potter et les autres? » demandai-je, sincèrement curieux. « ... » Je me levai, faisant le tour de la table et m'approchant de lui. Il s'était déjà levé en un sursaut mais je passai un fil autour de son cou, l'empêchant de respirer et le tenant en place. « Moi je pense qu'elles avaient très peur, qu'elles étaient terrifiées, même. Mais ne craignez rien. » Il porta ses mains à sa gorge. « Je vous en pire, » tenta-t-il de dire, sa voix étranglée. Je l'ignorai. « C'est déjà bientôt fini. »

« Es-tu humain, Sloan Brown? » Je me retournai vers ma soeur, ne comprenant pas le sens de ces mots. Ne pas paraître paniqué ni inquiété. Je commençai à avoir l'habitude. De toutes façons, ce n'était pas très difficile. Je n'étais pas submergé par les sentiments, au contraire. Par conséquent, quand des sentiments ou des émotions se manifestaient, ils n'étaient pas forts et je parvenai aisément à les contrôler et à les dissimuler. « Pardon? » demandai-je, l'air de rien. Silver m'adressa un sourire radieux. « Allez, avoue. Tu viens d'une autre planète. T'es pas un spécimen terrestre. Les petits frères aussi géniaux que toi, ça existe pas sur notre bonne vieille Terre. » Fausse alerte. « Qui sait? Officiellement, je suis né à Londres mais peut-être qu'en fait, je viens de Mars. » Je ris avec Silver. Aujourd'hui, elle est la seule personne qui peut dire me connaître et être proche de moi. Pas assez proche pour connaître le plus profond de mes secrets, mais ma soeur est celle à qui je tiens le plus. Les sentiments, ce n'est pas mon truc. Mais ceux que j'ai pour elle sont bien là, et très forts. Je ne suis peut-être pas tout à fait humain, mais je ne suis pas complètement inhumain. Silver en est la preuve. Quelqu'un d'inhumain préfèrerait se consacrer à son ''hobbie'' meurtrier que prendre de son temps pour fêter l'anniversaire – les vingt-cinq ans – de sa soeur en compagnie de cette dernière et d'une demi-douzaine de ses copines superficielles, fausses et calculatrices. Quelqu'un d'inhumain ne ferait pas attention à ce que les personnes à qui il arrache la vie n'aie aucun lien amical ou autre avec cette même soeur à qui il tient. Quelqu'un d'inhumain comblerait sa faim à sa convenance au lieu d'essayer de la contrôler et de la canaliser en ne s'en prenant qu'aux personnes qui le méritent. « Alors, Sloan, quoi de neuf? » Je me tourne vers Silver. Plus rayonnante et humaine qu'elle, ça n'existe pas. Ne croyez pas que l'humanité m'obsède. C'est juste que... Silver est Silver. Et si je suis comme je suis, c'est aussi en partie pour elle. Je n'imagine pas sa réaction si un jour elle apprenait que mon passe-temps n'est pas le tennis de table mais l'assassinats de meurtriers sanguinaires. Je ne crois pas qu'elle comprendrait. « Eh bien... je repars bientôt. » Elle lève les yeux vers moi. « Tant que tu m'envoies une carte ou que tu me téléphones. » Elle sourit. « Tu pars où cette fois? » J'aimerais parfois pouvoir rester auprès d'elle tout au long de l'année, mais c'est une chose impossible. Et ce pour deux raisons. Premièrement, dans un quartier comme le sien ou même dans une ville comme Londres, quelqu'un comme moi ne mettrais pas bien longtemps avant de se faire repérer. Mieux vaut pour moi vaquer autour du monde dans les grandes villes, où les criminels sont les plus nombreux. Deuxièmement, ma soif d'aventure est elle aussi très grande. J'aime voyager un peu partout, découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles villes. « Italie. » Je suis déjà parti un peu partout. Et même avec Silver quelques fois. Nombre de pays ont vu leur taux de criminalité baissé même minimement grace à Sloan le justicier, mais pas l'Italie. C'est la première fois que j'y mettrai les pieds. « Je sais que tu aimes partir à l'aventure comme ça, sans prévenir... Mais appelle-moi avant de partir. Et en arrivant. Et ne fréquente pas la mafia italienne hein. Y'a des mecs dangereux là-bas. » Ah oui? Tiens donc. « Évidemment. » Je déposai un baiser sur le haut de sa tête.

« Vous êtes bien Sterling? » Il hocha la tête. « Qui t'envoie? » Je plissai les yeux. « Vous avez souri en me voyant arriver. Vous savez qui m'envoie, elle a donné ma description. » Le type me jaugea du regard puis leva les yeux au ciel, comme je ne cédais pas. « Ok. » Il me fit un signe de tête et je le suivais dans un couloir exigue. Je n'aimais pas être mené en bâteau, mais j'aimais jouer, j'aimais les mystères et elle le savait. Elle était maligne, diabolique. Elle était partie du jour au lendemain, alors que nous étions en Grèce, et m'avais laissé un jeu de piste. Le matin je m'étais levé, elle m'avait embrassé sur l'épaule puis était partie, juste comme ça. Je n'avais pas été déçu, ni triste ni rien. Je m'étais vite intéressé au jeu de piste. Il était toujours aussi passionnant qu'elle. Il m'avait conduit chez un spécialiste en latin pour déchiffrer son message, puis en Afrique du Sud dans un petit village, chez une femme qui disait voir l'avenir. J'avais ensuite du revenir en Angleterre, mon pays d'origine, pour me procurer les papiers nécessaires, puis j'avais réjoins Sydney, ville qui me semblait être la destination finale puisque que c'était une grande ville et que elle avait connaissance de mon petit secret. Je suivis Sterling en silence, essayant de ne pas le cogner contre les épais murs et le plafond bas, tout en pierre. Nous arrivâmes dans une petite cave tout en pierre elle aussi. Elle semblait humide. Un homme était assis à un bureau, semblant appliqué à quelque chose. Hormis une grande armoire en bois, des feuilles et des feuilles qui traînaient un peu partout et un téléphone fixe, il n'y avait pa grand chose. Nous nous avançâmes vers l'homme assis au bureau. Il me lança un regard mauvais puis cracha à mes pieds. Immobile, je haussai simplement un sourcil. Sawyer Sterling se pencha vers lui et lui murmura quelque chose que je ne pus entendre à l'oreille. L'homme se tourna de nouveau vers moi et me fit signe de m'asseoir en face de lui. J'obtenpérai. « T'as les documents? » Me demanda-t-il avec un fort accent américain. Je sortai ce qu'il me demandait de mon sac. Cela constituait sûrement une épreuve du jeu de piste et je sentais que j'en arrivais à la fin. Le type consulta précautieusement tous les documents. C'était un dossier constitué de divers faux papiers, d'environ mille dollars et de deux dossiers avec relevés téléphoniques sur des juges d'origines allemandes qui travaillaient sur Sydney. « Ça m'a l'air complet. » Je hochai la tête mais il n'ajouta rien de plus. Curieux, je demandai, sans le brusquer. « Alors? » Il ouvrit un tiroir d'où il sortit un petit bout de papier usé et abîmé qu'il me donna. J'y lus une adresse à Wellington. « C'est fini ou...? » demandai-je en fourrant le papier au fond de ma poche. « Tu verras une fois là-bas, » me dis Sterling avec agacement. « On a fait notre part du boulot. Tu nous as fournis d'intéressants documents, maintenant si tu voulais bien... » Il pointa la sortie d'un air entendu. Je le remerciai et sortis, un sourire se dessinant au coin de mes lèvres.