QUE FAITES-VOUS A WELLINGTON ? Je tricote, ça ne se voit pas ? Ah, c'est sérieux la question en fait ? Mh. Soit. Je vis ici, figurez-vous… Enfin. Je n'y vivais pas avant quelques jours. Mon père a reçu un mail d'un de ses cousins -la famille Crossington a la particularité d'avoir des lapins pour membres- qui lui racontait que des trucs pas nets arrivaient, des disparitions louches en fait… Les circonstances des meurtres et des disparitions étant beaucoup trop semblables à celles de la mort de notre mère, sa femme, Père décida de se renseigner plus sur ce qu'il se passait. Mais vu qu'il avait une piste ailleurs, il décida de nous envoyer, Steven et moi, récolter les informations et faire une sorte d'enquête à Wellington. Outre la question d'en savoir plus sur le ou les assassins de notre mère, il est aussi question de faire nos preuves pour de bon. Car ces êtres ne sont sans doute pas humains, on avait déjà vérifié quand on avait dix-huit ans, quand Maman est morte. Comme quoi, c'est utile d'avoir un père spécialiste du paranormal… et exorciste. Et surtout de vouloir devenir comme lui. C'est pour ça que Steven et moi avons pris le cargo en partance de Sydney et que nous sommes à présent à Wellington depuis quelques semaines…
QUE PENSEZ-VOUS DE CES MEURTRES SUSPECTS ? Je ne pense pas, c'est bien connu, les femmes ne pensent pas. Non, vraiment, vous voulez que je sois sérieuse durant toutes vos questions ? Mais en même temps, vous en posez des tellement bêtes que ça me fait rire. Mais soit, je vais le faire sérieusement à partir de maintenant. Par contre, si j'ai des absences, c'est parce que je conduis. Oui, je prends la voiture pour aller faire les courses, pas vous ? Passons. Les meurtres donc… J'ai trouvé ça bizarre dès le moment où j'ai lu des articles sur ça. Et puis je me suis dit qu'il y avait quelque chose de pas net, sans pouvoir dire quoi. Papa est certainement plus avancé que moi dans ses déductions, mais il considère que c'est une mise en pratique de tout ce qu'il a pu m'apprendre jusqu'ici, alors il me laisse patauger comme une demeurée dans la gadoue de mes idées. Et puis dès qu'il a une intuition, on y croit, c'est le plus fort de la famille pour ce genre de choses. Enfin, après, je n'ai aucune idée de si Jebediah est doué pour ça aussi… Mais qu'importe. Si Père pense qu'il y a anguille sous roche et que c'est à Wellington qu'on en saura plus sur la mort de notre mère, c'est à Wellington que nous irons, et c'est là-bas que nous comprendrons. Me fiant à l'instinct du paternel, je suppose aussi qu'il y a quelque chose de pas humain dans ces disparitions, mais il faut d'abord qu'on se renseigne, avant de savoir ce qu'il y a vraiment de pas net.
QUELLE EST VOTRE PLUS GRANDE PEUR ET COMMENT RÉAGIRIEZ-VOUS DEVANT ? Question surnaturel et paranomal, ça va, ça va. J'ai eu peur des démons sous mon lit pendant dix ans, mais j'ai appris à dompter cette peur. Par contre, il y a bien une chose dont je n'arriverais jamais à cesser d'avoir peur : un accident de voiture. Si ma voiture commence à ne plus répondre, je crains de me mettre à paniquer sans même réfléchir à quoi que ce soit. Il m'est totalement impossible de raisonner lorsque les engins se mettent à détraquer. Si jamais ma voiture commençait à ne plus répondre à mes coups de volant ou à mon pied enfoncé sur la pédale, je n'aurais d'autre solution que de sauter hors du véhicule… Mais j'ignore si j'en serais vraiment capable, pour tout vous dire…
L'autre peur, logique et compréhensible, serait de perdre ceux que j'aime, et plus particulièrement cet abruti de Steven. Mais ça, même ça, je me refuse à l'imaginer. Parce que si je me mets à y penser, même comme ça, ça va me bouffer de l'intérieur et me détruire à petit feu. De toute façon, il n'a pas le droit de mourir ! Oui, il n'a pas le droit, c'est interdit. Passons à une autre question, voulez-vous ?
AVEZ-VOUS QUELQUE CHOSE EN PARTICULIER ? Quelque chose à déclarer, sergent ? Pas vraiment. J'ai oublié de remettre de l'essence dans ma bagnole donc je la pousse sur le bas-côté, chose tout à fait normal. Quoi, ma tenue est trop courte ? Vous trouvez que je fais du racolage passif ? Je ne suis pas responsable. J'ai juste eu chaud et j'ai enlevé mon pantalon. Quoi ? On ne peut plus faire ce qu'on veut dans sa voiture ? C'est bon, ne vous énervez donc pas, je vais le remettre. Yes sir.
À part ça, outre la légère tendance à ne pas toujours couvrir mes jambes -quand Père n'est pas dans le coin, hein- je suis assez nerveuse et ça se voit par le nombre d'ongles qui sont réduits plus ou moins à l'état de néant. Pas joli à voir, ça non. Je me lave les mains deux fois. Une première fois avec du savon normal, au lavabo, comme tout le monde. Et la seconde fois avec de l'eau bénite. C'est une longue histoire. J'ai aussi tendance à enrouler mes boucles rousses autour de mon index, que je sois captivée par ce que dit mon interlocuteur ou que je m'en fiche comme d'une gigne. Je me lève tôt, je m'étire, je fais des abdos et après je vais vider une bouteille de limonade. Je sais, ça ne sert à rien de faire des abdos si je fais ça. Mais que voulez-vous ? Comme autres tics que certains peuvent trouver amusants, si le pain n'est pas posé dans le bon sens sur la table, je l'y remets aussi sec. On dit que si le pain est sur le dos, le diable lui danse sur le ventre. Oui, ce sont des superstitions de gamine et alors ? Par contre, si je renverse le sel et/ou le poivre sur la table, ça ne me gêne pas du tout.
Je suis exothermique, c'est à dire que je n'ai pas besoin d'un pull pour avoir chaud, la température corporelle que je dégage suffit à me réchauffer. Mais mes parents ont beau le savoir depuis des années, ils me forcent quand même à mettre un manteau quand je sors tard dans la nuit.
Et sinon que dire ? J'aime le chocolat, les macarons -sauf ceux à l'anis-, l'alcool sauf la bière, l'odeur du tabac froid -mais je ne fume pas. J'aime aussi ne pas avoir (trop) besoin de lunettes. J'ai moins aimé lorsqu'il a fallu que j'apprenne la Bible par cœur, je ne m'en souviens toujours pas et ça désespère mon père… Sinon, j'aime la nuit, j'ai le point du jour, j'aime les couchers de soleil… J'aime quand la lumière est soit inexistante, soit rougeâtre, ça doit venir de ma fascination pour le sang. Mais attention, je suis fascinée, mais pas au point de me charcuter. Quand même pas. Je ne suis pas masochiste, ni sadique. Je crois en Dieu quand ça m'arrange. Je jure comme un charretier. Il me manque deux molaires dans le fond de ma mâchoire parce qu'elles prenaient trop de place. Je ne sais pas loucher. Je suis assez normale, vous savez… Et je me lave les dents deux fois par jour, matin et soir. À midi, j'ai vraiment autre chose à faire, notamment faire la sieste juste après le repas…
Quant à mes études, j'allais en faire… Et puis je me suis souvenue que le business familial passait de génération en génération selon la tradition et que j'allais donc devoir suivre les traces de Père, ce qui n'est pas sans me plaire, d'ailleurs. C'est marrant de se spécialiser en paranormal et surnaturel, et de faire de son gagne-pain la chasse aux créatures pas nettes… Vous trouvez pas ?
COMMENT VOUS DÉCRIREZ-VOUS EN QUELQUES MOTS ? Jezabel est :

• PATIENTE mais encore faut-il qu'elle soit de bonne humeur pour être patiente. Sinon c'est la catastrophe. Mais vu qu'elle est d'assez bonne humeur constamment, elle reste patiente pendant longtemps. À part quand son ordinateur portable commence à buguer bêtement parce qu'elle a dix applications ouvertes en même temps. Car oui, On vous l'avait dit, Jeez est une geek. Elle l'assume parfaitement, après tout, Internet est une mine d'informations… Du moins quand on sait lire entre les lignes.
• COURAGEUSE et intrépide sont les deux autres qualités qu'il faut lui reconnaître. Elle va très souvent au devant du danger parce que l'adrénaline la dope et qu'elle adore faire des choses totalement folles qui sont souvent vouées à l'échec ou à la mort. Depuis qu'elle n'a plus peur des monstres sous son lit, elle s'amuse de tout, ou presque. Alors il était évident qu'elle allait suivre avec joie son père exorciste sur la route de Wellington, juste pour comprendre ce qu'il se passait là-bas…
• DÉTERMINÉE, elle n'aime pas quand quelque chose lui résiste. Heureusement, sa détermination combinée à sa patience lui permettent de faire de grandes choses et d'obtenir ce qu'elle veut, toujours. Ou presque toujours. Bien entendu, elle connaît le B-A.BA du petit exorciste et de l'expert en paranormal : si une créature nous échappe, la traquer jusqu'à la fin. Les Crossington font ça depuis tellement longtemps que c'est devenu une seconde nature chez ceux qui se destinent à la carrière familiale.
• ASTUCIEUSE et plutôt rusée, Jeez a développé un sens aiguisé de tout ce qu'il faut ou ne faut pas faire. Et mieux encore, elle a des systèmes souvent déjà prêts pour mettre en place un piège, pour refaire marcher sa vieille bagnole, pour rebooter son ordinateur ou d'autres choses de ce genre. Car Jezabel est une débrouillarde qui se sort quasiment toujours d'affaire.
• LOYALE et fidèle en amitié comme en amour. Quand on est born & raised in a christian family, on a tendance à développer des liens forts avec ceux qui sont nos proches. Si on qualifie souvent Jezabel de loyale, c'est qu'elle est toujours là dans les bons moments comme dans les mauvais. Elle reste là, elle assure le soutien nécessaire et reste un peu plus longtemps parfois. Parce que c'est agréable d'avoir quelqu'un pour nous soutenir quand ça ne va pas, elle en sait quelque chose.

Mais elle est aussi :

• IMPULSIVE, c'est ce qu'on lui a souvent reproché lorsqu'elle répondait un peu durement à une insulte d'un de ses camarades en classe. Elle a tendance à n'en faire qu'à sa tête lorsqu'elle est piquée au vif et est bien souvent sortie de table sous les grondements de son père pour aller marcher dans les rues de Sydney quelle que soit l'heure. Elle peut aussi piler net en voiture, à cause d'une impression visuelle d'une ombre disparaissant d'un coup. Mais ça lui arrive peu… 
• SUSCEPTIBLE : en effet, si elle est aussi impulsive, c'est qu'elle a une assez haute estime d'elle et qu'elle déteste qu'on se moque d'elle, même gentiment. Elle se vexe facilement, pour des broutilles le plus souvent, mais est consolable assez vite bien heureusement. Elle a tendance aussi à surfaire un peu trop sa susceptibilité et à prendre la mouche pour rien.
• DISTRAITE. Ça, c'est son gros problème. Si elle veut devenir comme son père, elle devrait savoir exactement tout ce qu'elle a fait, et avoir un contrôle parfait de ses gestes et de ses allées et venues. Après tout, si elle oublie quelque chose, il n'y a pas mort d'homme, mais si elle se laisse distraire un jour, à un moment capital, l'issue de la situation pourrait être bien malheureuse pour elle.
• SENSIBLE. Ça doit dater de son dix-huitième anniversaire. Découvrir le corps sans vie de sa mère dans le jardin de leur petite maison alors qu'elle rentrait des cours. Ses cris ont attiré Steven, puis Pip, Amber, Meryl et les autres. Pip qui a appelé leur père. Steven qui consolait Jezabel effondrée dans ses bras. Amber et Meryl qui, sous le choc, ont fait rentrer les autres pour qu'ils ne regardent pas plus le corps inerte de leur mère. Depuis ce funeste jour, Jezabel a tendance à pouvoir pleurer pour rien et à se froisser pour une raison infime. Elle déplore d'ailleurs cette faiblesse dont elle sait qu'elle lui sera fatale si elle la prend pendant que la rouquine se retrouve face à une saleté de créature.
• MALADROITE, si elle boit trop, ou qu'elle n'est pas assez reposée, Jezabel devient une catastrophe ambulante. En temps normal, à part ça, elle est souvent assez peu adroite et a du mal à défaire des doubles-nœuds… Elle est aussi celle des Crossington qui a dû casser le plus de choses et ça l'énerve profondément.

Toutes les histoires ont un commencement, un milieu, une fin. La mienne n'est pas encore terminée pour une raison évidente : je ne suis pas encore morte et je ne compte pas l'être de sitôt. Je ne crois même pas que je suis au milieu de ma vie, pour tout vous dire. J'aime me dire que je vais vivre encore assez longtemps. Ça vous semble peut-être stupide mais c'est ainsi. Chacun ses envies, hein. La mienne veut que je vous dirige dans ma vie à la façon d'un guide sans carte, selon la réminiscence que j'aurais de certains moments de ma vie. Commençons donc avec un des plus récents qui vous expliquera clairement pourquoi je suis ici.

C'était il y a quelques semaines. On était en plein après-midi, Meryl était en train d'essuyer les assiettes que James avait lavées avec moi. J'étais à présent affalée sur le canapé, les pieds sur l'accoudoir lorsque Père nous appela dans son bureau. Me levant d'un coup et entraînant Steven dans mon sillon, j'entrai dans le bureau de Père et fermai la porte derrière nous avec un coup de pied sur son injonction ; et Pip qui nous aurait bien suivis se retrouva enfermé dehors. Je savais que Père n'aimait pas du tout que je ferme la porte avec les pieds, aussi je me retournai vers lui avec un sourire innocent, l'air de dire "mais non voyons, moi fermer la porte avec les pieds ? ja-mais". Donc, que se passe-t-il ? Père soupira avant de répondre : Votre Oncle Jebediah m'a envoyé un mail… Cette annonce nous laissa perplexe : Jebediah… C'est qui lui déjà ? Y'en a tellement, en même temps... Mmh, c'pas celui de Londres ? Ou alors il est à Milan... ah non ! Paris ! Wellington. Ah ouais, lui... Aaaah, le Jebediah de Wellington ? C'est le papa de Claire, nan … ? Nan. Steven et moi étions partis à essayer de voir qui pouvait bien être ce Jebediah lorsque notre père nous rappela à l'ordre : S'il vous plaît. Et je réagissais immédiatement Pardon Papa, arrête Steven tu vois pas que tu l'embêtes ? Vas-y Papa, parle, moi je t'écoute. Et tout ceci en affichant une mine angélique à laquelle mon faux-jumeau ne fut pas dupe : Tu sais que la lèche-cul ça ne marche plus avec Papa, Jeez... Allez p'pa, dis nous. Je ne manquais pas de lui tirer la langue comme une grande gamine, bras croisés, adossée au mur, mais je devenais de nouveau sérieuse lorsque Père reprit son explication Selon Jebediah, il y aurait trace des assassins de votre mère, à Wellington. Disparitions régulières, témoignages sombres... Il est temps pour vous de faire vos preuves, votre apprentissage touche à sa fin. Je mis un temps à comprendre ce qu'il venait de dire, notamment parce que j'étais encore sur l'insulte dont m'avait affublé Steven : Je faisais même pas ma— SÉRIEUX ?! Je venais de comprendre ce que mon père avait dit. Et il tenta de me faire parler moins fort : Évite de hurler, je préfèrerais que vos frères et sœurs n'en sachent rien. Je restais un instant sceptique, mon regard fixé dans celui de mon père. Et puis je finissais par demander… Mais… Mais ça veut dire que… Qu'ils se sont déplacés ? L'idée que les assassins de notre mère aient changé de lieu d'opération me terrifiait, mais faisait de nouveau naître en moi cette envie de vengeance. On n'en sait rien. J'aimerais que vous alliez tous les deux à Wellington, histoire de vous renseigner sur ça. Croisant mes bras, j'observai tour à tour mon père et mon frère. Et puis je finis par lâcher une bêtise, parce que je ne savais pas quoi dire d'autre : Tu crois vraiment que Steven va me supporter ? Vingt-deux ans que je te supporte, Jeez', j'vais arriver à gérer. Et dis, Papa, on y va discretos, on s'informe et on essaye de trouver des pistes ? Père acquiesça en hochant la tête de haut en bas une seule fois, puis ajouta : Oui, mais faites très attention, surtout, ils sont une menace très importante, n'allez pas vous faire tuer, vous aussi... Je comprenais son inquiétude, mais après tout, il nous avait entraîné, s'il pensait que nous étions prêts, nous l'étions sans doute. T'inquiète p'pa, on gère, on est tes enfants après tout. Je prendrai soin de Jeez. C'est surtout à elle de prendre soin de toi, en fait. Ahah, très drôle. Il a raison, hein, tu es encore un pauvre petit gamin. Non, ne me mords pas. Je regardais Steven avec des gros yeux, genre méchante, sûre que s'il avait été à côté de moi, il m'aurait mordu, juste pour me faire payer le "pauvre petit gamin". Évitez d'en parler avec vos frères et sœurs, je ne veux pas qu'ils se fassent de souci en plus. Dites que vous partez… En voyage ? C'est ça. Et si Pip veut venir ? Pip avait deux ans de moins que Steven et moi, il était le plus âgé de nos frères et sœurs après nous. Père fut catégorique sur cette question-là : C'est non. Ils sont trop jeunes et ils ne sont pas encore assez expérimentés. Vous y allez tous les deux et vous veillez l'un sur l'autre. Hochement de la tête de la part de nous deux. Et puis il fut question du moyen de transport. Parce que, après tout, Wellington, c'était en Nouvelle-Zélande et c'était pas la porte à côté quand même. On a le droit de prendre la jeep ? Jeez, tu sais bien que sans moi tu n'arriverais à rien. Et j'suis pas d'accord là oh ! J'veux la Chevrolet, s'teuplaît p'pa ! J'ai toujours voulu la conduire ! vous allez traverser la mer, vous savez ? Et de toute façon, je comptais prendre la Jeep. Vous avez la Chevrolet et Jezabel conduira… Mais je sais pas la conduire, elle ! Comment vouliez-vous que je conduise une voiture que je ne savais pas conduire ? J'allais apprendre ça à toute blinde ? J'allais le faire au feeling ? faites vos valises, voici les billets, je viens de les imprimer, vous prenez le cargo qui part dans trois heures. n'oubliez pas vos chargeurs, ça serait bête que vous ne puissiez plus me contacter. Le premier qui est prêt prendra la place près du hublot ! J'ouvrai la porte d'un coup et gravis à toute allure les marches séparant le rez-de-chaussée où se trouvait le bureau de Père et le deuxième étage où se trouvait ma chambre. Pour faire ma valise, je restai un instant abrutie devant mon armoire grande ouverte. Et puis je piochai ce qui me tombait sous la main et je fonçai en dévalant les marches. Et je fus la première dans la Chevrolet, sous les yeux étonnés de Pip qui jouait avec le chien et Alma.

Dans le cargo qui nous emmenait en Nouvelle-Zélande, j'avais laissé Steven dormir et j'étais allée sur le pont avant. Et les cheveux dans le vent j'avais repensé à nos premières années de vie, à mon frère jumeau (faux-jumeau) et moi-même.

On avait quatre ans et on était mignons comme c'est pas possible. C'était dès ces moments-là qu'on avait su avec Steven qu'on resterait ensemble pour toute la vie. Bon, quand on était petit, on se posait pas trop de questions. On disait les choses comme elles nous venaient. Comme la fois où je lui avais annoncé : Moi, quand j'serais grande, j'me marierai avec toi ! Il avait eu une réaction tout à fait normale pour un garçon de quatre ans : Beurk...d'accord pis on habitera à New York hein ? On avait eu un livre de photos sur New York, rapporté par Papa d'un de ses voyages là-bas. Sans y être allée, j'avais assimilé la distance : C'est loin New York… On vivra avec Papa & Maman, tu veux pas ? Ma petite moue défaite eut raison de sa détermination à vivre à New York. Mais...bon d'accord mais qu'est-c'qu'on va faire, dis ? Je réfléchissais, allongée sur le ventre dans l'herbe du jardin de la maison à Sydney, avant de répondre comme si c'était évident : Baaah… Moi, quand j'serai grande, j'serai princesse ! Évident, non ? La suite l'est encore plus : Moi j'serai un grand chevalier ! Et j'te protégerai des dragons et des vilains monsieurs ! Je renchérissais avec cette aisance qu'ont tous les enfants pour planifier leur vie future dès quatre ans : Et puis on dirait qu'on aura trois bébés : Poucette, Lucie et Nounours… Tu veux bien, hein ? Naaan, faudra qu'on ait une fille qu'on appelera... Fiona ! Comme la princesse Fiona, elle est belleuuuuh. Bon ben Lucie s'appellera Fiona alors ! Et puis on vivra dans un château ! J'étais à présent sur le dos, les yeux vers l'immensité du ciel bleu Cooool, t'es supeer ! Mais, dis, t'as pas dit qu'tu voulais qu'on habite avec p'pa et m'man ? Perplexe un moment j'avais du mal à me souvenir ce de que j'avais dit : Ah ? Euh… Bah, Papa et Maman ils vivront aussi dans le château avec nous ! Et puis Pip, ça sera notre serveur ! À cette époque je ne connaissais pas la différence entre serveur et serviteur… Je pensais que c'était la même chose… Et Steven ne relevant pas la faute, je ne tiltais donc pas : Ouais trop cooool, il nous servira des diabolos fraise tout les jouurs ! Ceci eut pour effet de me faire me redresser d'un coup, les yeux carrément illuminés. Il venait de réveiller un instinct précaire et animal : J'ai faim. MAMAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN ! Me relevant du sol, je partais en courant vers la cuisine qui donnait directement sur le jardin. Arrivée devant, on me tapa derrière la tête. Mon frère jumeau, comme d'habitude : Pataaaaaaate, tu sais bien qu'elle est partie dans le grand magasin avec les allées où qu'il fait froid ! D'un coup, l'absence de Maman était plus claire. Me frottant la tête en chouinant légèrement, je marmonnais qu'il m'avait fait mal… Et j'hurlais de nouveau MAMAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN ! Sauf que ça ne la fit pas venir.

Après-midi entre filles à la maison. On faisait ça une fois tous les deux mois quand Maman était encore en vie. Le samedi , après le déjeuner, on virait les hommes Crossington, et on se retrouvait entre filles pour faire des "trucs de filles". Ces expressions faisaient beaucoup rire Maman, qui avaient tenu à nous donner une éducation on ne peut plus mixte. Aujourd'hui cependant, on n'était pas au complet. Amber, qui avait quatre ans de moins que moi, donc treize à l'époque, était allée regarder un film au cinéma avec des amies à elle et Alma (9 ans) avait été invitée à une fête d'anniversaire depuis plusieurs semaines. On se retrouvait donc avec Maman à cinq : Meryl avait quatorze ans, Beth en avait dix et Tessa n'en avait que cinq. La famille Crossington comptait onze enfants, pour rappel. On était donc en train de se faire les ongles tandis que Beth jouait aux poupées avec Tessa. Et Maman finit par proposer : Bon, qui veut aller acheter des pots de glace ? Tessa releva la tête d'un coup et je dois avouer que j'en faisais de même tout comme Meryl, occupée à se vernir les orteils du pied droit. Glace à quoiii ? La petite voix flûtée de Tessa attira nos regards et nous constations alors qu'elle était en train de mordiller la tête molle d'une poupée brune. Maman esquissa un sourire attendri et elle reprit : Mmh, un pot chacune, la glace que vous préférez, ça vous va ? Qui veut y aller, je réitère ma question. Meryl grommela qu'elle était en plein dans une opération archi importante. Reposant la lime à ongle, je me levai du canapé et me proposais donc pour cette mission d'intérêt général. Beth, tu veux venir ? Moi ! Moi veux venir ! Tessa trépignait d'impatience. Je viens aussi, ouais. Beth rangea les poupées dans la caisse à ses côtés et força Tessa à s'asseoir de nouveau pour qu'elle lui mette ses chaussures convenablement. On prend la voiture ? Tu as ton permis ? Maman, c'est juste pour 500 mètres ! Elle tourna son regard vers Tessa qui avait maintenant une chaussure sur deux de mise, puis revint à moi : Pour cinq cent mètres, tu peux bien y aller à pieds, hein ? Vaincue par les arguments de ma mère, j'acquiesçais. Okay, bon, vous voulez quoi ? Melon d'eau. Habituée aux mêmes commandes, je ne prenais pas la peine de noter le nom du parfum. C'était juste une vérification de routine en fait. Tournant la tête vers Meryl, toujours occupée avec ses pieds, j'attendais qu'elle me réponde et j'attendis donc une dizaine de secondes avant qu'elle ne s'exprime : Caramel, mais pas le caramel dégueu mélangé à de la vanille, hein ? De la vraie glace au caramel. Okay, bon Tessa, t'es prête ? Beth ? On y va ? T'as de l'argent ? Euh non… C'est pas grave, on vendra Tessa. HEIIIIIIIIN ? Elles plaisantent mon cœur, n'aie pas peur. Mon porte monnaie, dans mon sac. Il devrait y avoir de quoi acheter la glace sans vendre tes sœurs. La remerciant d'un signe de tête, je partais fouiller dans son sac, en sortait le porte-feuille dont elle parlait, le fourrait dans ma poche arrière de jean avant de sortir en entraînant Beth et Tessa derrière moi.
Le choix de la glace fut très difficile pour Beth. Parce que Beth aimait tout. Aussi, je lui disais de ne pas nous attendre le temps que je mettais pour hisser Tessa sur mes épaules parce qu'elle avait déjà mal aux pieds et ne voulait plus marcher. Et le temps qu'on arrive au magasin, en s'arrêtant assez souvent parce que Tessa voulait toucher les enseignes des autres boutiques et caresser les chiens qu'on croisait, Beth n'avait toujours pas choisi sa glace. Bon, on va faire par élimination : tu veux un sorbet ? Non. Tu veux du chocolat ? Non ! Le chocolat c'est à moi ! Eh, on se calme là-haut ou je te fais descendre. naaaaaan… Bon, donc chocolat ? Chocolat blanc ? Cookies ? Brownies ? Tiramisu ? Café ? Elle avait secoué la tête de gauche à droite à chaque fois et finit par acquiescer à "Café". Bon, va pour café… Où c'est le… Eh m…ince y en a plus. Je soupirai et me dirigeant vers la partie du rayon consacrée aux glaces au chocolat je faisais descendre Tessa pour qu'elle choisisse. Le sac à surgelé contenait déjà les glaces au melon d'eau et au caramel, ainsi qu'une glace au citron vert pour moi. Et tandis que Tessa me tendait LA glace au chocolat qu'elle avait choisi -un pot de 500cl de glace au chocolat noir avec pépites- Beth revint avec une boîte insoupçonnée. T'es sûre que tu vas la manger en entier ? C'est le plus petit pot. Bon… Ben si t'es sûre, hein. Donne-moi ça. Et le pot de 275cl de glace goût pizza au thon rejoignit les autres pots. La caissière fit une drôle de tête en voyons ça, en faisant un commentaire du style "Ah, je ne savais pas que ça existait". Et puis le retour à la maison se fit tranquillement, Tessa sur mes épaules, Beth gambadant devant en secouant le sac de surgelés sévèrement. C'était normal, en fait. Et c'était sans doute un des derniers samedis après-midi qu'on passerait entre filles avec Maman.

Parce que la semaine suivante, on arrivait en Mai, le deux plus précisément, et je retrouvais Maman morte dans le jardin le jour de notre anniversaire à Steven et moi. Et depuis, on a beau avoir tenté de refaire un samedi après-midi entre filles pour respecter la tradition, ça s'est toujours fini avec des pleurs et des larmes, et un coup de téléphone à Papa en lui demandant de revenir au plus vite parce que c'était pas gérable. Lui et les garçons revenaient au plus vite, et la tradition du samedi après-midi entre filles fut abandonnée pour des raisons évidentes…

Nous avions seize ans, Steven et moi. On était en Été, et on avait réussi à avoir la maison pour nous seulement. Alors on avait organisé une fête. Et vu que ça arrivait pas souvent que ça soit chez nous, il y avait pas mal de monde. Et ce monde avait rapporté leurs propres bouteilles qu'ils avaient mis en commun. Bientôt la soirée fut bien entamée et ma tête se fit sentir. J'avertissais presque immédiatement May, une camarade qui était très sympa aux fêtes mais que je côtoyais peu en dehors : May, je crois que ce verre était de trop. Elle haussa les épaules et répliqua tranquillement : Oh pitié Jezabel, arrête de faire ta pauvre petite chose. Tu tiens bien l'alcool, on le sait. Je secouais la tête en lui demandant finalement, à propos du verre que je tenais encore dans la main : C'était quoi ça ? Un mélange, c'est Trev' qui joue avec les bouteilles. Ça va aller ? Au moment même où elle me demandait si ça allait, j'avais un vertige et constatai : Faut que j'aille m'asseoir j'crois… Et sur ces entrefaites, Steven apparut, tel le sauveur. Mon dieu May', qu'est-ce que tu lui as fait boire ?! Mais arrêtez donc, vous êtes pas croyables. Elle tient pas l'alcool ! C'est moi qui tiens ! Ah merde... je savais que c'était l'un de vous deux... C'est bon, j'm'en occupe. Il me chopa et me hissa comme un sac de patates sur son épaule et le sol s'éloigna de moi. Plutôt nauséeuse, j'aurais voulu lui dire de ne pas me porter comme ça, mais je crus bon de garder ma bouche close. La dernière chose que je sais, c'est que je me retrouvais bientôt sur un lit, allongée, Steven à mon chevet. J'étais sans doute dans un état pitoyable. Ça touuuuurne, c'est vraiment horrible. Qui est le con qui a foutu la sono à fond ? Sa réponse acheva de me désespérer sur mon état : Hum...Jeez... y'a pas de sono, t'es totalement pétée. Je grognais, me roulant en position foetale sur le lit et d'une voix pâteuse je me plaignais : Nan , sérieux ? Oh c'est pas vrai… Pourquoi ça m'arrive justement ce soir ? J'tiens bien pourtant… Des fois… Il ne me laissa pas dans mes illusions, bien au contraire : Jamais... Tu ne sais jamais dire non, et t'arrêter. Toujours là pour te venir en aide, ah la la... J'me demande si j'suis ton frère, ou bien ton père, parfois... Tu fais exprès juste pour m'enfoncer un peu plus encore ? T'es pas gen…
Portant une main à mes lèvres, je me redressais d'un bond et je fonçai dans le couloirs puis dans les toilettes quasiment en face de la chambre. Une fois que j'eus fait ce que j'avais à faire, je soupirai, tirai la chasse et allais me passer un coup d'eau sur le visage avant de revenir dans la chambre m'effondrer sur le lit. Pourquoi c'est moi qui tiens rien ? C'est vraiment injuste… C'est moi qui suis censé te protéger, non l'inverse... Si j'étais incapable de mettre un pied devant l'autre, tu n'arriverais pas à me gérer. La nature est bien faite. Cela dit, même ivre morte, tu es magnifique. Tu parles, j'suis sûre que j'arriverai à te faire marcher au pas. Et puis ma robe est sale, j'ai renversé je sais plus quoi dessus tout à l'heure, et puis… T'es sûr que y a pas de sono du tout ? C'est quoi cette fête où les gens ne mettent pas de musique ? Finissant par me retourner sur le dos, j'observais mon frère qui finit par me répondre un truc tout à fait logique… C'est les types dehors, dans leur caisse, qui mettent la musique à fond. Pourtant, on en entend à peine, t'es vraiment murgée. Lui tirant la langue une nouvelle fois je cessai de le regarder tandis qu'il recommençait à boire. C'pas tout mais moi, j'ai envie de profiter, aussi. Ces mots me firent bondir, me croyant sur le point d'être laissée toute seule dans cette chambre qui malgré le peu de luminosité me disait quelque chose… Tu vas m'abandonner ?! Je suis ivre morte et ma robe est plus que courte et tu comptes me laisser toute seule dans une chambre ? o: Tu veux vraiment que je me fasse violer ! Méchant ! Lui tournant brusquement le dos, je croisai mes bras en affichant en air outré… Et malheureusement, mon effet tragique fut brisé en morceaux parce que je ne pus tenir droite plus de quelques secondes… En effet, bientôt je m'effondrais sur le flanc gauche sur le lit. Tu sais, j'ai pas bougé... Les bouteilles viennent à moi, et non l'inverse. Ca se sent que t'as pas l'habitude de l'alcool, hein, tu divagues vraiment. Et... oh hein, arrête de faire ta boudeuse, vilaine. Du mouvement m'annonça qu'il s'était posé sur le lit à son tour, et bientôt ses mains passèrent sur mon cou… Ce qui me fit bondir de nouveau alors que je tentais de m'écarter le plus possible des mains de mon frère : T'as les mains glacées ! Ça va pas de me faire ce coup-là ! Et d'un coup, sans vraiment comprendre ce qu'il se passait, je changeais d'attitude du tout au tout, passant de la demoiselle hystérique à celle en besoin de câlin. L'enlaçant de mes bras nus, j'enfouissais mon visage dans le creux de son cou et je murmurai : Tu me laisses pas, hein ? T'ai-je déjà abandonnée ne serait-ce qu'une seule fois ? Ainsi répondit-il à ma demande désespérée tout en nouant ses bras autour de ma taille et en me caressant le dos. Puis il ajouta : Tu sais bien que je suis et que je serai toujours là, mon ange. Secouant la tête de façon affirmative sans ajouter un mot, je me rapprochais de lui pour arrêter de me péter le dos en lui faisant un câlin. Et puis je demandais, intéressée : Il reste encore un peu d'alcool dans les bouteilles que t'as… ? Sa réponse fut négative, bien sûr, on aurait pu s'en douter rien qu'à voir mon état -qui allait en s'améliorant, quand même : T'es mign... hey ! Pas touche ! C'mes bouteilles ça, et t'en as déjà assez abusé !
Il me força à m'allonger de nouveau, me gardant dans ses bras et ses mains à présent chaudes revinrent frôler ma nuque sous mes boucles rousses. Grognant qu'il n'était pas gentil, parce qu'il ne voulait pas me laisser boire encore un peu, je me blottis quand bien même contre lui, les yeux à présent fermés. J'suis sûre que je pue l'alcool… Ça t'embête si j'enlève ma robe ? Enfin non… Tu peux m'aider à enlever ma robe ? Mmh... j'devrais pas, m'enfin, seule tu n'y arriveras jamais... Il m'aida donc à ôter cette jolie robe qui sentait l'alcool à plein nez et je l'en remerciais calmement avant de porter ma robe roulée en boule à mon visage… Humant cette âcre odeur, je ne pus retenir une grimace de dégoût et je la jetai loin, loin, loin de moi, au bout de la pièce plongée dans la pénombre. Ça puue, qu'est-ce que j'ai bu, bon sang ? C'est moi qui pue ? Alors seulement j'observais autour de nous, aussi attentivement que me le permettaient la pénombre causée par le peu de luminosité au dehors, la porte fermée sur le couloir bruyant et éclairé et l'oubli d'allumer les lumières en entrant. Il reprit : Ne fais plus confiance à May, pour l'alcool. Et non, tu ne pues pas, mon ange. Enfin...pas trop... Tu devrais t'habiller tout de même, tu vas attraper froid. Je secouais la tête : Nan, ça va là, contre toi j'ai pas trop froid. Ça te gêne ? Ouais, bah t'es gelée, alors moi le froid j'le sens...  Allez hop, au lit. Sur ces mots, il tira la couette et je me glissai en dessous avec lui, avant de rabattre la couette sur nous.Ce ne fut que lorsque je m'étais de nouveau blottie contre lui que je me rendis compte qu'il me restait quelque chose que j'aurais mieux fait d'enlever : J'ai encore mes chaussures. Me redressant de nouveau j'attirais à moi toute la couette et je tentais de défaire les nœuds des lacets noués autour de mes chevilles, histoire de me débarrasser de mes chaussures quoi. Ce fut alors avec une mine piteuse que je constatai que je n'étais bonne à rien : J'y arrive paaaaas… pourquoi ça se noue ces trucs ? Ce qui ne m'évita pas un commentaire de Steven ( ... Et tu as seize ans... il est temps de quitter l'enfance, ma grande. ) qui m'aida quand même à enlever mes chaussures que j'envoyais valdinguer à l'autre bout de la salle. Et voilà ! Encore un problème ? Me rallongeant de nouveau, je rabattais pour de bon la couette sur nous. Noooon, y a plus de problème, touuuuut va bien. Merci. Et spontanément, je l'embrassai sur les lèvres.
Étrangement -ou pas- il ne fit rien d'autre qu'accepter ce baiser inattendu et imprévu. Il ne se déroba pas à mes lèvres, ne me traita pas de folle dégénérée ou d'ivrogne, il l'accepta, simplement, sans s'en offusquer. Promets moi de ne jamais rien tenter de stupide sans ma présence, je ne pourrais me résoudre à vivre sans toi. Je laissais échapper un petit rire sarcastique avant de proposer : Rien de stupide du genre quoi ? Parier que je peux boire quinze bouteilles de Passoa cul sec ? C'est vraiment pas mon genre. Par exemple… Sans vraiment réfléchir à ce que je faisais, je l'embrassais de nouveau et rencontrai alors une certaine réponse qui n'était pas sans me déplaire. Mais je me détachais de ses lèvres pour prendre un air grave : Plus sérieusement, fais pas de conneries non plus, j'sais pas ce que je ferais sans toi… Mais dis-moi, tu sembles reprendre conscience… c'est b… Je le coupais de nouveau en l'embrassant encore une fois et il répondit de nouveau tandis que ses mains se baladaient dans mon dos de manière presque insouciante, pour remonter et converger vers un endroit capital. L'agrafe de mon soutien-gorge fut bientôt défaite et ce sous-vêtement me fut ôté sans que je n'oppose de grande résistance. Ce que je trouvais à dire ? Seulement ceci : Je commence à décuver, oui, on dirait… Dis, la sono, maintenant, c'est la bonne ou toujours pas ? Puis je l'embrassais une dernière fois sur les lèvres avant que descendre le long de son cou tout en bataillant avec les boutons de sa chemise. Il confirma mon impression d'une sono existante maintenant, et tandis que je galérais avec sa chemise -que je parvins quand même à défaire entièrement- il avait défait son jean et me mordillait à présent l'oreille, m'interrompant dans une divagation sur la raison pour laquelle ils n'avaient pas mis de musique plus tôt. Et puis, le débarrasant enfin pour de bon de sa chemise, je laissais mes mains courir sur son torse en murmurant ces mots qui n'avaient plus exactement la même signification que quelques années auparavant : Je t'aime Steven. Un temps court pendant lequel je le sentais frissonner sous mes mains chastes et puis il me répondit : Je t'aime aussi, Jeez, tellement. Ses mains revinrent autour de ma nuque et bientôt nos corps et nos lèvres se rapprochaient. Mes sens étaient tous éveillés et j'en soupirai d'aise avant de remarquer, quand même : Leur musique est vraiment mauvaise… Avant de finalement m'installer à califourchon sur lui, et de m'enquérir simplement en ces termes : ça va, je t'écrase pas ? On savait jamais. S'il osait dire oui, je le boudais sur le champ. Non, c'est parfait. Ses mains frôlèrent mes avant-bras pour remonter jusqu'à mes épaules avant de redescendre le long de mon buste jusqu'à mon ventre. Et lui, de renchérir : Tu es si belle… En temps normal j'aurais fait la fausse modeste, avec un "oui, je sais, je sais". Mais là, rien de tout ça. Au contraire, j'en rougissais même ! Effet du compliment seulement, ou bien l'alcool avait un rôle à jouer là-dedans ? Qu'importe, je ne me posais pas la question à ce moment-là, je ne cherchais pas à raisonner d'une quelconque manière et je me penchais de nouveau vers mon frère jumeau : et toi tu es si séduisant… Tu sais qu'elles font quasiment que parler de toi après les soirées ?

Spoiler:

Allongée sur le dos dans le lit de Steven -car nous étions bien dans sa chambre comme je l'avais compris plus tôt, j'observais mon frère avec un sourire comblé, heureux et satisfait sur le visage. Et bien sûr, comme d'habitude, je ne pus m'empêcher de lâcher une énormité parce que j'étais en partie nerveuse : J'ai même pas eu mal ! Ouais, tu dis ça mais tu n'as pue t'empêcher de pousser des cris, hein ! Et d'ajouter en me serrant de nouveau contre lui en l'embrassant : On peut même dire que j'ai beaucoup aimé… C'est vrai que c'était très agréable... plus que ça, même. Ils nous attendent tu crois ? Oh, je sais pas, si ils nous attendaient, ils seraient venus... Deux coups furent frappés à la porte alors qu'il disait ces mots : bah tiens... Oui ? Je m'étais raidie à l'idée que quelqu'un n'entre et nous trouve nus serrés l'un contre l'autre dans son lit, mais la porte resta fermée et la voix de May s'éleva de l'autre côté : Qu'est-ce que vous foutez, bon sang ? On a le droit de rester entre frère et soeur, non ?! Ouais...mais on vous attend pour faire la fête, nous ! On arriiiiiive ! C'est boon ! Et pendant leur petit dialogue de sourds à travers une porte, je profitais du fait que la porte reste fermée -l'avais-je moi-même fermée à clé ? je n'en savais rien- pour embrasser Steven dans le cou et lui murmurer des propositions indécentes. on pourrait rester ici, tu sais… je suis sûre qu'on peut se perfectionner… Je suis pas contre le perfectionnement... Puis volant un baiser à ses lèvres étirées en un sourire malicieux, je me levais du lit et j'allais récupérer ma robe dans le coin où je l'avais balancée. Elle pue toujours. Mais bon… J'ajoutais en me tournant vers Steven tout en remettant ma robe : J'ai l'air d'avoir dégrisé ? Le temps qu'il réponde, il était déjà debout et était venu me voler un autre baiser avant de confirmer en ramassant ses affaires : Tu sembles en état, oui. Mais mes questionnement métaphysiques avaient déjà changé du tout au tout : Je retrouve pas ma culotte, t'en as fait quoi ? En même temps, me disais-je en récupérant mes chaussures, si je ne la retrouvais pas, ça n'était pas si grave que ça, je ne l'avais sans doute pas perdue… Occupée que j'étais à rechausser le pied gauche, je ne vis pas Steven s'amusant à pendre au bout de son doigt ce que je cherchais, et ce n'est qu'au T'en as vraiment besoin ?   que je relevais la tête vers lui et, de ma position de flamant rose se chaussant sur une jambe, je lui ordonnais soudainement : Donne moi ça tout de suite !
Fort heureusement, il me la lança et l'ayant rattrapée au vol je la remettais avant de finir d'attacher ma deuxième chaussure. Déjà il se dirigeait vers la porte en me demandant si j'étais prête. Pas encore… Je me redressais pour de bon et l'embrassais furtivement, avant d'affirmer : Là c'est bon j'crois. Posant ma main sur la poignée, je n'appuyais pas encore dessus, et je l'embrassais de nouveau. Sa main se posa sur la mienne, ses lèvres glissèrent dans mon cou et il ouvrit la porte finalement, s'adressant à May qui attendait adossée au mur en face de la chambre : Elle était vraiment mal...mais elle va mieux. Ne lui fais plus jamais boire autant de verres, May ! Et puis après un regard furtif qu'il me lança, il partit pour de bon, me laissant avec May. Vous en avez mis du temps à sortir. J'dormais. À ce point-là ? Nan mais franchement, Jezabel, tu marches à l'eau jusqu'à la fin de la soirée. Viens, on va gueuler sur Trev', ça nous occupera. Je viens de me réveiller, si tu te barres à toute blinde, j'vais pas te suivre. C'est ça, fais ta malheureuse… T'as raté Eliott qui a fait un strip-tease…  Ah … ? Bah, ça m'apprendra à boire trop…

Dès lors, une relation incestueuse nous unissait, Steven et moi, sans que nous n'en éprouvions aucune gêne. Au contraire, pour nous, cela était parfaitement normal, nous étions fait l'un pour l'autre depuis le début. Or, connaissant la foi de nos parents et le désir de nous élever dans le respect des commandements des Écritures Sacrées, nous ne pouvions pas vraiment vivre notre histoire d'amour aux yeux de tout le monde. Si bien que Steven et moi nous comportions comme chien et chat la plupart du temps, sauf en soirée où il veillait sur moi avec une attention inébranlable… Et que les rares moments d'intimité que nous pouvions avoir étaient nos havres de paix. C'est aussi parce que nous avions envie de pouvoir nous embrasser dans la rue sans craindre d'être regardés de travers ou d'être jugés que nous nous sommes présentés à Wellington comme Monsieur et Madame Khaleway, mariés depuis quelques mois, originaires d'un lieu pas encore décidé, désireux d'acquérir un joli appartement en ville pour pouvoir profiter de la douce vie en Nouvelle-Zélande.